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vendredi 26 février 2010

En quête d'une vie nouvelle(Écrit en collaboration avec Robert Le DU)


1ère partie....

Nous vous proposons de suivre l'évolution en DUO d'une Nouvelle écrite en prose... (

Le sujet étant: -La quête d'une autre vie, d'un ailleurs... ( autobiographie romancée ou invention d'un autre soi-même en quête de quelque chose de différent: faisant état d'un ou deux personnages )

Sur sa gauche, un grand arbre déjà roux annonçait la fin du mois d'août: l'homme s'était arrêté au bord du lac. Sur l'autre rive, au delà des grands sapins verts jaillissait grandiose la montagne bleue dont les crêts enneigés égratignaient le ciel... Tandis qu’à ses pieds la clarté confidente faisait briller des eaux si étranges et claires qu'elles lui semblaient presque hospitalières: il semblait à l'esprit que l'osmose attendait d'y noyer l'essence déshumanisée de l'être en perdition. Mais les pas qui avaient conduit l' homme en cet endroit se refusaient d'aller plus loin.

Bien que se défendant d'être un peu médium, Lucien subissait tant par sensibilité qu'il semblerait à l'entendre qu'il dispose pourtant de cette capacité; et puis il y avait ce rêve qui inlassablement le conduisait chaque nuit au même endroit que ce matin ses pas mécaniques... Le songe était rédhibitoire, mais était-il pour autant prémonitoire? Et cette image d'une Belle qui paraissait se mouvoir dans un halo bleu, superbe entité de la nuit resplendissante sous la lune, et qu'il n'avait pourtant jamais rencontrée: que pouvait-elle bien représenter?
Admirable comme une vivante statue de jaspe, elle avait de longs cheveux d'or feu qui semblaient tirés d'aspe, mais ses paupières aux souffrantes larmes moroses abreuvaient comme fontaine... Elle paraissait comme évadée d'une nuit ancestrale: éblouissante et pastorale!
Hélas! Lucien était un poète raté, ou du moins c'est ce qu'il pensait à cet instant où son misérable corps oscillait dangereusement vers l'eau mystique. D'ailleurs il avait fermé les yeux, laissant à son destin le choix de l'onde ou de la terre.

L'impact dans le lac se répercuta jusque dans la montagne, et puis un autre sur la berge avait suivi un étrange chuintement; alors Lucien ouvrit des yeux mouillés et ce qu'il vit lui fit penser à une réponse venant du ciel : au centre de son étendue, l'eau semblait bouillonner dans ses cercles d'onde, tandis que plus loin, quelque chose finissait de consumer le coeur d'une touffe de fougères dont les feuilles ruinées s'étalaient sur la mousse pour y mourir..

Rosette se réveille tout en sueur,non ce n'est pas la ménopause, mais une autre de ces visions de nuit. Elle en a maintenant l'habitude!
Lorsqu'on la catapulta dans ce bled perdu, il y a de cela plus de quarante ans,elle devait se couvrir des pieds à la tête et ne laisser qu'un passage pour son nez afin de ne pas suffoquer durant ces nuits trop longues. Un soir, une de ces apparitions l'avait réveillée en sursaut alors qu'elle était seule à l'étage. Depuis, sa tante Ernestine faisait certain que la petite lampe de chevet soit toujours allumée et elle partageait son lit avec la petite fille.
Sa tante était morte, et elle avait hérité de ce petit commerce mi-café,mi-tabagie sur le bord du grand fleuve. Ce n'était pas tout à fait son rêve de rester dans ce petit patelin, alors que de tout son être, elle ne souhaitait qu'une chose: retourner dans la grande ville et monter sur les planches d'un théâtre,si petit soit-il!
À tous les ans, elle se disait qu'elle quitterait ces lieux qui ne l'avaient jamais rendue heureuse,elle déclamerait un jour ses textes qu'elle récitait devant le miroir pour un public qui l'adulerait au lieu de servir le café et les brioches pour ces gens qui l'avaient toujours regardée d'un mauvais oeil.
Le soir, après avoir fermé boutique, elle se dirigeait sur la berge, elle venait s'asseoir sur le parapet de ciment repoussant l'heure où elle devait aller au lit. Le bruit des vagues avait cet effet calmant sur sa personne.

Quand enfin il arriva à l'endroit qu'il cherchait, ce que découvrit Lucien le laissa perplexe: la chose encore tiède ressemblait à un fragment d'anthracite, mais quand il s'en saisit, il ressentit tout autre chose que de la tiédeur: c'était comme si son esprit s'interconnectait avec la pierre dont le poids conséquent faisait penser à du métal. Intrigué il contempla l'objet si intensément que sa conscience lui sembla s'échapper doucement... Et c'est ce qui arriva... Certes, il avait toujours été un grand rêveur, c'était même sa façon à lui d'échapper à toute situation qui ne lui convenait pas: à peine enfant fut-il débarrassé du carcan de ces langes de laine et de coton dont on emmaillotait autrefois les nourrissons, qu'il se traînait sous la grande table ronde de la salle commune dont les plis tombants de la nappe de toile cirée lui faisaient un refuge presque sûr, et les quatre pieds autant de barreaux protecteurs à l'image de ceux métalliques du petit lit-cage dans lequel il pouvait sourire aux anges que lui seul savait voir. D'ailleurs, le temps et les souffrances dans sa jeunesse n'avaient fait qu'attiser ce qu'il ressentait: c'était comme si des informations existaient dans des particules infimes voyageant dans son corps. un jour de son adolescence, alors qu'il s'émerveillait dans les pages du dictionnaire familial, un mot s'était même imposé: MAGNÉTITE! Alors il avait depuis recherché tous renseignements possibles qui en découlaient, et de fait avait appris à en user.

Rosette se réveilla en sursaut! Cette fois-ci, ce n'était pas la vision habituelle mais le réalisme d'un souvenir du passé qui la saisit. Assise dans son lit, elle contemplait ce souvenir qui bien que lointain lui apporterait peut-être réponse à toutes ces questions qui ne cessaient de poindre dans son esprit.
Quatre ans, sous la table de la cuisine,la voix tonitruante du docteur venu pour la visite médicale. Sa mère essayant de la tirer de là, mais vite elle courut se réfugier sous le lit de fer brun,se tortillant de douleurs au ventre.
La scène suivante à l'hôpital sur la table d'opération où le personnel médical essayait en vain de la rassurer. Soudain, une lumière aveuglante et puis un réveil dans un lit à barreaux blancs,où elle était attachée, prisonnière. Elle entendait la voix de son père dans le hall,elle cria mais on lui dit qu'il n'y avait personne. Elle pleurait,mais on ne lui répondit pas. Elle commença donc à jouer les différents personnages de cette pièce qu'elle avait inventée dans sa tête.
Quel réconfort de pouvoir se réfugier dans un univers où personne ne pouvait vous dire quoi faire ou vous faire pleurer.
Rosette se leva, ouvrit la porte du frigo et se versa un Perrier bien frais dans un gobelet en métal. Ça aussi lui rappelait sa petite enfance ! Son père qui connaissait tout et qui la protégerait de tout dans la vie avait affirmé que l'eau demeurait froide pendant des heures dans le métal.
Elle avala son Perrier à petites gorgées et retourna se coucher.

- Lucien... Lucien!!!
La voix forte de Gaetan le tira le poète de l'immobilité:
- Enfin Lucien, que t'arrive-t-il? Voila cinq bonnes minutes que je t'observe : tu paraissais plus raide qu'une saillie et ton visage est si pâle que tu ressembles à un mort debout.
Sans dire un mot, Lucien lui tendit la pierre, l'autre s'en saisit, la retourna dans la paume de sa main calleuse de brave gars, bûcheron de son état, et la lui rendit:
- Voila que tu lis dans les cailloux à présent?
- Cette fois il ne s'agit pas de rune, mais bien d'une pierre venue de l'espace, mais n'as-tu rien ressentit en la manipulant?
- Elle est plus lourde que tout ce que je connais des lieux environnants, où l'as-tu trouvée?
- Dans ce qui vient du ciel...
- Bon, c'est point tout ça, mais j'ai du boulot moi!
Alors, Gaetan continua son chemin en dissimulant mal un sourire narquois., tandis que Lucien retournait au village.
Le petit bourg avait été bâti au sud, en surplomb du lac, sur un vaste tertre à la terre fertile, tandis qu'en bas de l'autre versant un grand fleuve mouillait les pieds d'un lieu-dit qui lui-même alignait quelques maisons dont un commerce boulanger et un modeste café jouxtant le long d'une route départementale. Le paradoxe , ou plutôt ce qui faisait la singularité de l'endroit résidait dans le fait que le village dont la "coopérative commerciale ouvrière" avait dû fermer à cause de l'implantation d'un supermarché dans une ville proche dépendait à présent de ces deux petits commerces qui résistaient héroïquement à la machine infernale du "progrès" .

Le lendemain au café, les habitués s'entassaient au fond , tandis qu'en avant on vendait les trucs habituels: petits bonbons contre la toux, chocolats et crème glacée(glaces). Au cours des ans, Rosette s'était débarrassée de plusieurs produits dont le tabac et les cigarettes. Les glaces étaient de tous les parfums inimaginables. Rosette avait fait un voyage en Italie il y a dix ans: son premier voyage en Europe. Elle avait pris des cours de cuisine en Toscane et avait suivi un apprentissage chez Giuseppe Fabrice.un célèbre fabricant de gelatis. Elle avait décoré le vieux café, peint les meubles en vert et blanchi les murs qui autrefois étaient d'un marron douteux. Tout ça lui avait apporté une clientèle assidue durant la saison estivale et les touristes n'arrêtaient pas de commenter sur la saveur de ses plats faits maison. Par contre, les gens de la place ne venaient dans son commerce que par obligation. On avait tenté de la déloger pour la construction de la route mais elle avait refusé. Les autorités municipales ne la portaient pas dans leur coeur,car on avait dû bifurquer le trajet pour faire en sorte que l'autoroute du soleil longe le fleuve. La musique jouait à pleine tête ce jour-là et semblable à son habitude,Rosette chantait sur un air d'Édith Piaf. Elle avait cette folle illusion qu'un jour elle serait découverte comme ça par hasard. On la complimentait toujours sur sa belle voix mais ça s'arrêtait là. Autrefois, elle avait fait partie de la chorale de l'église mais comme elle n'était pas religieuse mais spirituelle,elle avait décidé de cesser la fréquentation du soi-disant lieu du culte.
Ce soir,elle marcherait jusqu'au vieux quai. Elle vaincrait sa peur de voir flotter sur les eaux la dame bleue. Elle chanterait cette chanson qu'elle avait composée le jour de ses douze ans.

Irrationnellement exquise, un peu comme une promesse en reculade quand on lui tend la main; la Dame "bleue" avait autrefois alimenté une légende digne de celle de Sénart et de Merlin l'enchanteur. Mais seule sa grand-Tante Aglaé, la doyenne du village l'aurait vue dans sa jeunesse; son aïeul avait il est vrai exercé le métier de puisatier et connaissait aussi les "herbes qui guérissent". Lorsqu'elle était encore adolescente Rosette avait confié à cette Aglaé qu'elle rêvait souvent d'une étrange Dame émergeant de l'eau, sa grand tante lui avait simplement répondu:
- Ne crains pas de la voir, mon enfant, car cette Dame est une bonne Fée, et si tu la vois dans tes songes, c'est qu'alors tu as le "don".

Bien que ses ancêtres fussent originaires de la région,on continuait à ignorer son appartenance à elle. Sa mère avait quitté avant ses vingt-et-un ans aussitôt qu'elle en avait eu la chance,elle avait marié le petit-fils du forgeron venu visiter son grand-père au village. Elle était partie en cachette et était allée habiter chez les parents de son beau. Elle s'était mariée et lorsque Rosette vit le jour, elle reprit contact avec la famille.
Rosette n'était pas superstitieuse, elle prônait plutôt la prudence dans ce domaine. Les racines judéo-chrétiennes de la famille de son père,la lecture des histoires bibliques d'Absalon à Jésus faisaient partie de la bibliothèque de son enfance, en passant par la vie de Sainte-Thérèse et St-Augustin. Elle avait même voulu à une époque se faire religieuse cloîtrée.
Au café, Lucien était la risée de son entourage!
Un des gaillards s'approche de lui et lui dit: "J'ai entendu dire que tu avais trouvé la pierre philosophale"??? Et les autres de ricaner derrière n'osant regarder dans leur direction.
Lucien leva les yeux, ne dit mot,mit sa casquette et quitta avec son secret dans le coeur. Sa mère lui disait: "Un vrai homme ne se bat pas avec ses poings, ni des paroles mais avec la vérité dans son âme.''

Mais nul n'est admis prophète en son pays, et à force raison, encore moins dans son propre village, tout poète qui s'y conçoit le sait... Mais Lucien n'était pas redescendu pour faire de la philosophie de comptoir, c'est juste qu'il aurait souhaité parler de sa trouvaille à Rosette qu'il savait d'esprit plus ouvert que tous ces gens terre à terre; mais il était bien trop prude pour cela, et puis ces mêmes personnes risqueraient d'y voir autrement l'attachement amical qu'il avait toujours eu pour la jolie femme, elle-même amie de son épouse! Alors il avait préféré tourner les talons et s'en était allé dans son vieil atelier d'artisan, où il entreprit de dessiner son rêve.

L'épouse de Lucien, Colette ou ''Coquette'' comme se plaisait à l'appeler Rosette était la seule de ses compagnes de petite école à avoir donné son amitié envers et contre tous. ''Coquette'' était bien une des plus jolies filles du village, à l'adolescence, elle était ''bâtie'' comme un modèle. Sa mère, habile couturière de son métier utilisait les retailles de tissu ayant servi à ses riches clientes pour lui confectionner des tenues dignes des stars de Paris. Colette n'était pas tout à fait consciente de sa grande beauté, sauf que tous les garçons n'avaient d' yeux que pour elle. Rosette, courtaude et un peu grassouillette aurait pu les charmer par ses yeux d'une couleur et d'une incroyable intensité. Cette amitié avait sauvé Rosette de la dépression. Seule Colette connaissait le secret de Rosette.
Les parents de Rosette n'étaient pas tous deux décédés dans un accident de voiture comme selon la version officielle que sa tante l'obligeait à répéter.
Sa mère avait été internée à l'hôpital psychiatrique peu après l'accident.
Pour Rosette, c'était tout comme si elle était morte. Elle refusait de la visiter car elle se souvenait de ces moments où toute petite, sa mère en crise venait la réveiller dans son lit, l'écume à la bouche. Son père pouvait contrôler ses sautes d'humeur mais après son départ....
Le jour de ses dix-huit ans, elle se décida à franchir le seuil de l'hôpital. La vision de ces yeux perdus dans l'abîme,sa mine patibulaire l'avaient effrayée pour longtemps. Lorsqu'on faisait sortir tous les malades dans les années soixante, sa mère ''bourrée'' de médicaments avait pris un petit appartement et on l'avait retrouvée morte sur le sol.
Rosette avait grandi avec cette tante gentille mais trop religieuse, rigide mais avec un coeur d'or.

De fait Lucien avait côtoyé Rosette au sein de la chorale Catholique où il fut lui-même choriste en tant que baryton-martin. Il avait même composé un poème liturgique pour le journal paroissial:

Une lampe m’éclaire dans la nuit
C’est aujourd’hui la foi qui me conduit
L’Esprit saint est lumière de ma vie
La lumière me conduit vers le Seigneur
Bénit soit l’évangile accréditeur
Je le porte vers vous avec ardeur
Je n’ai d’autre chemin vers le sauveur
Le bonheur vient de l’acte dévotieux
Pauvre de cœur je suis riche de Dieu
Quand monte la prière vers les cieux
La joie d’amour éclabousse mes yeux.

Et puis la vie avait bouffé son coeur trop grand pour lui, alors il s'est senti floué par des normes qui finalement n'étaient plus les siennes, et justement aujourd'hui, au fur et à mesure que son dessin avançait, que la Dame bleue émergeait de l'onde et que son visage lui apparaissait clairement, Lucien sentait monter d'étonnants picotements sur la peau de son dos, et jusque dans ses cheveux:
- Ce visage... Mais c'est!
En fait le visage que la main de Lucien faisait apparaître comme malgré lui, ressemblait à la fois à celui de son épouse et à celui de Rosette: c'était un peu comme si elles partageaient par moitié des gènes communs, à ceci prés que la tenue vestimentaire que reproduisait le dessin de Lucien était de celles que les femmes portaient dans un autre siècle.
Bon sang pensa le poète, il faut que je montre cette image à Colette dés qu'elle sera rentrée de son travail.
Et c'est ce qui fut fait qui déclencha le reste: ils prirent rendez-vous et le soir même ils se trouvaient auprès de Rosette:
- Colette, tu sais que suite au décès de ma tante adoptive, le notaire m'apprit que j'avais eu un aïeul puisatier prénommé Georges... Et bien j'ai récemment fait des recherches sur cette possible affiliation, et cela à abouti à la conclusion suivante: il s'agit d'un parent que nous avons en commun!
- tu veux dire, ma chère Rosette que nous aurions un lien de parenté?
- c'est exactement ça, lui répond cette dernière.. Car vois-tu sur cet arbre généalogique: la mère de ma grand- tante Aglaé, qui était aussi la mère de ta grand-mère, était mariée au fils unique du puisatier et j'ai même retrouvé un portrait fait au crayon bleu, et signé comme étant celui de l'épouse de ce même puisatier.
Alors Rosette ouvrit un tiroir et en sortit triomphante une feuille de vélin jaunie par le temps qu'elle disposa sur le table...
- Mais c'est!
Lucien et Colette avaient émis ensemble la même exclamation ...
- C'est un peu de vous deux, précisa le poète.
- C'est exact renchérit Rosette, voici l'épouse de Georges dont certains à l'époque disaient que parfois ils la voyaient roder prés du lac et au bord du fleuve quand elle fut veuve!
- Et vous partagez Colette et toi les traits de son visage précisa Lucien.

Rosette avoua que les yeux verts pénétrants de la défunte étaient vraiment similaires aux siens, mais le port altier, le corps parfait dans ces vêtements d'époque c'était bien Colette! Je comprends parfaitement maintenant Colette pourquoi nous nous sommes liées d'amitié si rapidement. Malgré nos différences physiques, je sentais toujours cette affinité,cette communion d'âmes instantanée entre nous. Alors que tous se moquaient de moi à cause de mon accent de la ville, toi tu leur faisais des grimaces et tu m'offrais ton oreille attentive et ta joie de vivre!
Pour en revenir à nos moutons,j'ai fait de petites recherches lorsque je suis allée en ville il y a six mois. J'ai fouillé dans les archives et voici ce que j'ai trouvé.
Colette et notre poète regardèrent avec intérêt une photocopie d'un document ancien datant de 1492,année où un certain Crisfofo Colombo découvra les Amériques.
Ça me donne une idée dit Rosette. Pourquoi on ne monterait pas une pièce de théâtre sur le sujet, toi Lucien tu pourrais en écrire le texte et ça ouvrirait les yeux des gens d'ici.

Certes, Rosette, il est toujours possible de transformer un histoire en dialogues, lui accorde aussitôt Lucien, mais tu sais bien que nous n'aurions aucun appui des gens du village, si ce n'est celui de satisfaire d'avantage les commérages en dévoilant notre intimité. Par contre je souhaiterais te montrer ceci qui est tombé du ciel alors qu'un moment de désespoir s'emparait de mon être.
- Enfin Lucien ne put s'empêcher Colette, pourquoi dire cela! Ne m'aimerais-tu pas ?
- Ce n'est pas cela, tu le sais bien, c'est juste que notre monde ne l'est pas, et...
- Ne pourrais tu pour une fois t'exprimer autrement que par énigme?
- Pardonne- moi mon amour c'est juste que je rage de voir tant de décadence autour de nous.
- Nul ne peut refaire le monde à sa manière, mon cher mari, puisque comme tu l'as écrit toi-même, Jésus à pu faillir dans la tâche qu'il voulait...
- Ceci est affaire de recherches et autres déductions qui n'engagent que moi. Et puis que suis-je pour oser douter de ce qui me fut enseigné par des hommes en soutane, certains eux de ce qu'ils avancent. Non, ma chérie, si je souffre c'est peut-être qu'à présent la plupart des gens croient d'avantage en l'argent qu'aux petits bonheurs d'une vie simple: si j'ai mal à l'âme parfois, c'est juste que j'aimerais t'emmener dans un bel endroit sans usine ni autoroute, un de ces endroits privilégiés, ou seule compte la nature telle qu'elle est, ou seul notre amour serait de la même eau fraîche que celle magique qui fait perler le moindre pigment en une fleur inattendue, une sorte d'éden ou tout recommencerait autrement: sans pomme et sans serpent...
- Et voilà, de nouveau mon mari parti à rêver, l'interrompt Colette en regardant les yeux couleur de mer de son amie.

Rosette dit à son amie: Je comprends ce que Lucien ressent, crois-moi! Tant de fois, je voulais partager tant de choses avec les autres, des trucs qui me tenaient vraiment à coeur et je me disais: À quoi bon! Je me ferai encore ridiculiser, j'entendrai encore ces rires narquois, je verrai ces regards désapprobateurs,etc... mais cette fois-ci je crois que nous devons foncer. À cette étape de ma vie, je veux dire et faire les choses qui sont importantes pour moi. Le temps perdu ne se rattrape plus. Si le village ne veut pas de notre pièce,nous la produirons dans le village voisin ou même en ville.
Nous pouvons aussi obtenir des subventions. J'ai gardé le nom du contact qui m'a donné accès à ce document.
Allez Lucien, assez de pessimisme, on fonce!

2ème partie

Devant tant d'insistance, puisque femme veut
Quand deux verts yeux attisent l'âme comme Dieu
Bien difficile il est d'en rejeter le voeu...
À fuir Dames vos regards Archangéliques
Plongeant dans le mien fragile et fort nostalgique
Car fatigable en ce monde bordélique
De mes pré -jugements je fait l'apostasie
Et de vos idées admettons l'apologie
Oublions à l'instant de vie ma nostalgie
Foin de pessimisme ne craignons la ronce!
Plus d'ornière ni de lise qui enfonce
Allez les filles j'abjure... Et on fonce!

- Sacré Lucien, s'exclamèrent ensemble les deux amies superbement complices: Décidément si vraiment quelque chose,
Peut te faire poètiser la vie en prose,
Si une idée de doctrine tu abjures,
ce n'est certes pas ta foi en l'écriture...

Tiens!voilà qu'à notre tour sans le vouloir nous versifions!
Alors ils se mirent tous les trois à rire de si bon coeur, qu'un ange bleu prit plaisir à les voir.

Marchant lentement, savourant chaque instant de cette merveilleise soirée, Rosette se mit à chanter de sa voix de soprano colorature cette vieille chanson que sa grand-mère lui apprit lorsqu'elle l'écoutait lui raconter ses histoires de l'ancien temps.
Elle se sentait légère, elle avait l'impression que sa vie allait prendre un nouveau tournant, elle savait que maintenant avec l'aide de ses chers amis même le monde allait bénéficier de cette prodigieuse inspiration. Elle était exaltée,son coeur battait la chamade. Avant de rentrer à la maison, elle s'assit sur son parapet préféré et chanta doucement cette fois-ci comme si elle était seule au monde ce quasi-cantique de sa grand-maman:
Sur les flots bleus belle dame,
Tu vins consoler mon coeur chagrin
Sur les flots bleus belle dame
Tu m'apparus un beau matin....

Alors plus bas derrière elle, le gai clapotis du fleuve cessa un instant, on aurait dit que les vaguelettes avaient cessé de caresser les pieds maçonnés du parapet pour mieux entendre la chanson, tandis que d'autres paroles parvenaient à l'esprit grand ouvert de la femme au coeur nostalgique:

De par les flots couleur de ciel
Je suis la Dame faite d'eau
De par les flots couleur de ciel
Je suis théâtre de Feydeau ...

Peu après que Rosette les eu quittés afin de regagner ses pénates situées au dessus du Café posé entre la route et l'eau, Lucien s'aperçut que leur conversation ayant fait divergence, il avait complètement oublié le véritable objet de cette soirée avec leur amie: de fait il était prévu de montrer aux deux femmes ce que sa main avait dessiné de façon quasi automatique, alors à défaut il avait proposé cela à Colette, et s'en était donc allé chercher la feuille de papier vélin qu'il avait laissée dans son atelier, ainsi que l'étrange pierre tombée du ciel, afin de les lui montrer... Mais c'est alors qu'il avait le dessin dans une main et la météorite dans l'autre que cela se produisit! Il sentit une sorte de fourmillement bizarre dans tout son corps, et puis il eut conscience qu'une énergie se mettait à transiter alternativement d'une main à l'autre, c'était un peu comme si un courant électrique passait d'un bras à l'autre: les deux membres faisant office de conducteur. Intrigué, Lucien reposa la pierre et tout s'arrêta.
- Un quartz s'écria le poète... Sur ce, il posa aussi le dessin fait au crayon bleu, et nit en mouvement un touret muni d'une brosse très dure comme en utilisent les ouvriers lapidaires pour polir les pierres fines et ce qu'il vit le laissa pantois:
- Il s'agit bien d'un quartz! reprit Lucien , et pas n'importe lequel!

Un bonheur n'arrive jamais seul! Le lendemain matin, Rosette se retrouva sans voix lorsqu'elle apprit de son contact aux affaires culturelles qu'on recherchait des gens ayant des projets comme le leur.
Colette lui apprit la découverte de Lucien et Rosette les pria de venir rapidement au café où ils rempliraient ensemble la paperasse nécessaire à l'obtention de la subvention.
Lorsqu'ils arrivèrent, Colette sautait de joie surtout lorsqu'elle mit la pancarte FERMÉ dans la vitrine du commerce. La musique celtique, un belle assiette de fromages et un bon cidre du pays....

Mmmm, fit Lucien, voilà qui me met en appétit! Mais il faut d'abord que nous nous occupions des choses sérieuses et...
- Justement, à ce sujet nous comptions sur toi ! lui répondent ensemble Colette et Rosette, la bouche en coeur...
- Soit, mais sachez que remplir la paperasse m'ennuie au plus haut point, alors je vais demander de l'aide à la Dame Bleue.
Cette fois le visage des deux amies changea d'un coup: totalement ébahies par ce que venait de leur dire le poète, elles en tombèrent littéralement chacune de si haut qu'elles s'affalèrent interdites sur la chaise la plus proche, tandis que Lucien étalait déjà les documents sur une table restée libre; après quoi il ouvrit le classeur qu'il avait apporté et en tira le dessin de la Dame Bleue qu'il garda dans une main tandis que de l'autre il sortait le quartz de sa poche:
Le reste arriva si vite que lui seul le vit; Le dessin glissa de son support, puis effleura les documents avant de regagner le vélin...
Lucien remit aussitôt la pierre dans sa poche et rangea précieusement son dessin dans le classeur.
- Voilà mesdames c'est fait...
Alors seulement Colette et Rosette quittèrent leur chaise et s'approchant de la table où Lucien avait auparavant déposé les papiers, elles s'aperçurent stupéfaites qu'ils étaient renseignés au crayon bleu et de si belle façon que n'importe quel jury ne pouvait qu'en être séduit.
- Co... Comment fais tu cela!
- C'est simple à comprendre, répondit le poète en souriant: C'est le quartz... Il donne vie à l'entité de la Dame Bleue du dessin, et je ne suis pas loin de penser qu'elle est peut-être intervenue auprès du contact de Rosette au cours de ma première expérimentation pour le décider à nous envoyer ces mêmes documents...

Rosette resassait les événements de la journée dans sa tête. Elle ne se rappelait pas avoir été aussi heureuse depuis le jour où toute petite elle avait dansé sur la scène du Théâtre de la Ville. Elle faisait partie de la classe de Madame Petrov. Après le spectacle, on leur avait offert un bouquet de roses jaunes. Ce qu'elle avait ressenti,ce qu'elle avait senti monter dans tout son corps c'était la piqûre de la scène. Peu après,elle se retrouvait dans ce pays du fleuve et sans parents. La vie avait suivi une mauvaise trajectoire.
Aujourd'hui,le destin semblait avoir pris un bon tournant.
Rosette et ses amis voyaient les curieux sondant la porte du café tout au long de la journée, mais eux faisaient la fête. Ils avaient même osé ouvrir la belle bouteille de champagne que Lucien avait apporté au cas où. Ils s'étaient régalés,avaient ri, chanté et pleuré de joie. Ils avaient même composé une ou deux chansons du livret. Comme possédés par l'inspiration, ils ne pouvaient pas s'arrêter. Ses amis partis, elle monta et contrairement à son habitude, pour la première fois Rosette éteignit la lampe de chevet et dans la complète obscurité,elle s'endormit paisiblement.

Il en est toujours ainsi des choses de la vie pour qui sait les voir autrement que dans leur apparence matérielle:

- Toi qui marches dans le temps pénétré par trop de pluie, sache que le sentier de ta vie se dessine comme les lignes de ta main; tôt ou tard une "patte d'oie" ouvrira un choix dans ton destin...
Nous avons tous une Dame ou un Ange Bleu qui veille sur nous: certains l'appellent conscience, tandis que d'autres la nommeront Marie, ou bien par d'autres noms encore. Ce qui importe, c'est de ne jamais désespérer, et si vous choisissez d'aller vers le soleil, sa lumière laissera votre ombre derrière vous, un peu comme le sillage d'un fier bateau dont le voyage émeut l'illusion; tandis que si vous préférez, l'âme en naufrage, de ne rien tenter d'aventure, alors vos rêves d'enfant se noieront dans un lac d'indifférence où même l'eau noire, sombre dans le gouffre de l'intolérance. La vie est un cadeau du Ciel, et l'amour sous toutes ses formes en est à la fois génitrice et géniteur alors aimons là, aimons nous et tous nous nous retrouverons dans la clarté du jardin d'Éden ...


-FIN-

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